Le dernier éditorial

Endiguer l’emballement du fardeau administratif

Au nombre des efforts méritoires pour essayer d’endiguer l’accroissement du fardeau administratif qui pèse sur la filière européenne de l’hélicoptère et du vol vertical, un projet de pondération des exigences réglementaires à satisfaire en fonction de la taille des entreprises et de la complexité des missions qu’elles assurent, est à l’étude dans le cadre des instances de concertation de l’EASA (SAB – R-Comm). (voir ici la newsletter EHA du 25 juillet 2025).

À ce stade de la réflexion, les parties prenantes françaises du secteur sont très réticentes à s’engager sur ce terrain. Le point de vue du SNEH, relayé par l’UFH, est de considérer qu’il n’existe pas réellement d’« opérateur complexe d’hélicoptères ». Les charges administratives et fiscales auxquelles ils sont confrontés ne sont pas vraiment liées à la taille des entreprises, dont la plupart, de toute façon, ne sont pas comparables aux grandes compagnies aériennes et aux industriels de l’aéronautique.

Le problème résulte des difficultés éprouvées par les exploitants, et aussi bien souvent par leurs autorités de surveillance, à faire coïncider un cadre réglementaire particulièrement complexe avec la diversité des missions assurées par les hélicoptères, la variété des donneurs d’ordres qui peuvent être étatiques, parapublics ou privés, et avec le contexte de l’urgence qui caractérise souvent leur activité.

Il est possible que certains grands opérateurs parviennent à entretenir sans trop de difficultés la conformité réglementaire de leur activité, ceux qui se consacrent exclusivement à l’EMS ou à la desserte des plateformes pétrolières et gazières, par exemple. Mais ce n’est pas tant en raison de leur taille, que parce qu’elles sont plus ou moins monotâches. Et même dans ce dernier cas, cette spécificité s’atténue à mesure que le secteur offshore se diversifie, ne serait-ce qu’à travers leur implication dans l’industrie éolienne.

En outre, les échanges conduits au niveau international par l’EHA avec des représentants du secteur du vol vertical extérieurs à l’UE, montrent que les Européens sont confrontés à un problème structurel qui leur est propre. Il résulte du partage des prérogatives étatiques entre plusieurs niveaux de pouvoir.

En premier lieu, cette organisation européenne provoque une surcharge économique importante. Elle impose le financement du fonctionnement de l’EASA et celui d’une multitude d’autorités et d’agences nationales. Les politiques de redevances et de taxations qui en résultent impactent de plus en plus défavorablement la compétitivité des entreprises.

Mais surtout, force est de constater que l’administration européenne ne parvient pas à imposer une harmonisation rationnelle à ces autorités nationales dans la mise en œuvre du cadre réglementaire et de la politique d’amélioration de la sécurité qu’elle définit. Pour les exploitants d’hélicoptères, les conséquences sont désastreuses en termes de charge administrative.

Par exemple l’agrément d’un opérateur à assurer des missions de travail aérien survit rarement au franchissement des frontières européennes, car il relève presque systématiquement du règlement SPO. Ainsi, la mise en œuvre des hélicoptères qui participent à l’organisation du Tour de France peut nécessiter jusqu’à 25 procédures d’approbation SPO différentes chaque année, parfois en deux, voire trois langues, avant de pouvoir conduire chaque jour des tâches techniquement identiques. Mais celles-ci doivent être assurées dans des zones administratives différentes qui dépendent d’autorités et de collectivités locales qui ont chacune leur propre interprétation du classement à haut ou bas risque d’une opération et de la manière d’en approuver la réalisation.

C’est pourquoi il est peu probable qu’une pondération des exigences légales en fonction de la taille des entités apporte une réduction réaliste des charges administratives et financières des exploitants d’hélicoptères. Au contraire, cela ajouterait probablement de nouveaux problèmes et des contraintes supplémentaires. Afin de préserver leurs avantages, les « petites organisations » auraient à justifier continuellement leur statut. De plus, les effets de seuil qui accompagnent immanquablement ce genre de disposition seraient de nature à décourager le développement des entreprises concernées, réticentes à basculer dans la catégorie des organismes complexes.

Une solution rationnelle serait peut-être de donner au secteur du vol vertical, un cadre réglementaire résolument distinct plutôt que de le regarder comme un cas particulier du cadre général du transport aérien tel qu’il est défini par l’OACI. Mais il n’est probablement pas réaliste de l’espérer, au moins à court terme. Une option plus prometteuse pourrait consister à apporter quelques changements structurels dans le processus réglementaire de l’UE pour réduire progressivement l’autonomie décisionnelle des autorités nationales. Cela ouvrirait la voie vers une harmonisation plus stricte de la mise en œuvre des règlements, des politiques fiscales et des grilles tarifaires. La démarche devrait d’ailleurs inclure la promotion de la sécurité aérienne, dont les recommandations ne doivent pas être comprises ici ou là comme des prescriptions légales de portée universelle.

Enfin, pour que cette harmonisation reflète la situation réelle et les besoins des parties prenantes, il faudrait accompagner la démarche d’une prise en compte de l’avis des experts qui les représentent qui soit mieux équilibrée au sein des instances européennes, avec celle des autorités nationales de l’aviation civile.

Christophe Rosset – Président du SNEH – Coprésident de l’UFH

Thierry Couderc – Vice-président de l’EHA – Délégué général de l’UFH