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EDITORIAL

Retour sur le Symposium Hélicoptère EASA EHA 2025

Pour la première fois organisé véritablement conjointement entre l’EASA et l’EHA, le Rotorcraft and VTOL Symposium a vu son intitulé évoluer.  Ce n’est plus seulement un colloque « de sécurité », même si ce point sous-tend l’ensemble du travail réglementaire. Cette année, il a été possible d’échanger sur plusieurs problématiques primordiales pour le secteur du vol vertical.

Dans son discours inaugural (*), Fredrik Kampfe a donné le ton en évoquant chacun des principaux sujets de préoccupation qui affectent le secteur. On relève par exemple qu’il a qualifié le fardeau administratif de fléau et on peut difficilement lui donner tort.

La présentation dédiée à la stratégie engagée pour y remédier n’incite pas à l’optimisme. Elle a confirmé les craintes et les interrogations exprimées par l’UFH face à l’ouverture du sondage en ligne mis en place par l’EASA (voir l’éditorial du 15 octobre dernier et les liens qu’il propose de consulter). L’Agence s’efforce de collationner les avis et les idées sur les points de règlement que l’on pourrait rendre plus facile à appliquer par des adaptations de détails organisationnels et des ajustements rédactionnels. C’est certes méritoire, mais cela ne s’attaque pas à la racine du problème car celui-ci est principalement structurel.

Comment en effet prétendre harmoniser de façon rationnelle la mise en œuvre d’un règlement européen quand les inspecteurs chargés de le faire appliquer dans chaque pays, relèvent de chaînes hiérarchiques nationales distinctes, et doivent en rendre l’application compatible avec les dispositions locales sur lesquelles l’administration européenne n’est pas compétente ?

Ainsi, l’application d’à peu près toutes les « opinions » promulguées par l’Europe, s’accompagne inévitablement d’un cortège de moyens alternatifs de conformité et de dérogations nationales. Or les processus d’argumentation et d’approbation de leurs contenus constituent une importante source de fardeau administratif, probablement l’une des plus difficiles à juguler, sauf peut-être à engager une refonte systémique de l’autorité administrative au sein de l’UE.

Pour avoir soulevé le problème en séance, on constate que les fonctionnaires européens semblent d’accord avec ce constat. Mais ils se déclarent incompétent à s’y attaquer à leur niveau. Tout au plus proposent-ils d’essayer de réunir les inspecteurs mandatés par les autorités nationales au sein de commissions d’harmonisation, à seul fin d’essayer d’aligner leur interprétation des textes européens et leur méthodes d’audits.

Mais la participation au Symposium a aussi montré qu’à son niveau, l’Agence ne semble pas savoir aborder les problèmes de façon simple. La présentation du sujet IFR monomoteur en a fourni une illustration.

Augmenter le nombre de pilotes d’hélicoptères qualifiés au vol aux instruments fait partie de la stratégie d’amélioration de la sécurité du secteur du vol vertical. Mais comme seuls les appareils multimoteurs peuvent être certifiés IFR en Europe, le financement et la disponibilité des appareils pour assurer l’entraînement en vol sont des obstacles importants.
Parmi les pistes d’amélioration, l’EHA a donc suggéré d’étudier la possibilité de conduire l’entraînement de base des pilotes à l’obtention de la qualification IFR avec un hélicoptère monomoteur.
Les échanges sur la prise en compte de cette demande semblent faire ressortir un écart important entre l’esprit dans lequel la demande de l’EHA a été formulée, et sa perception par l’EASA.
Lundi dernier à Cologne, les participants au Symposium ont compris que l’EASA était en train d’aborder le problème sous le seul angle de la certification technique d’un hélicoptère monomoteur pour conduire des vols selon les règles IFR. Ainsi l’Agence a déjà réfléchi à des détails tels que les fonctionnalités d’un pilote automatique spécifique, l’affichage continu des paramètres de fonctionnement moteur, le renforcement des habitacles pour assurer la survivabilité face une autorotation conduite sans visibilité sur le point d’aboutissement, etc… Tout en précisant que la conformité à ces conditions ne ne serait en aucune façon de nature à élargir les conditions d’exploitation des hélicoptères monomoteurs. Lorsque l’on pose la question de savoir quel pourrait être l’usage d’un tel appareil à même de justifier de tels efforts, la réponse apportée par l’EASA est que ce sont aux exploitants de définir le concept opérationnel, puisque la proposition vient de leurs représentants.
Mais cela ne correspond pas à la demande formulée par l’EHA. Dans l’esprit de ses membres, il s’agit surtout de définir les conditions dans lesquelles une séance d’entraînement initial à la maîtrise de l’hélicoptère sans référence extérieure et aux procédures IFR peut être conduite à bord d’un appareil monomoteur. Pour cette tâche, les conditions effectives du vol peuvent être celles du vol VFR de jour au-dessus de la campagne, associées aux moyens d’occultation des références extérieures habituels. L’utilisation d’un appareil standard non IFR qui peut alors être monomoteur, suffirait alors probablement à proposer un entraînement probant pour peut qu’il dispose d’un horizon artificiel et d’un équipement de radionavigation. En l’occurrence, l’obstacle n’est pas tant technique que légal: il faut juste étudier une disposition réglementaire qui permette la prise en compte dans le cursus du pilote, d’une séance d’entraînement de base au vol aux instruments réalisé à bord d’un appareil qui ne satisfait pas à toutes les conditions pour être certifié IFR.

L’évolution imprimée par l’organisation du Symposium a donc permis des présentations intéressantes sur des sujets importants pour les administrés et suscité des échanges pertinents avec l’EASA. Reste à s’efforcer de les faire fructifier pour que ce ne soient pas des dialogues de sourds.

(*) Voir ici le texte du discours de Fredrik Kampfe (avec traduction en Français)